lundi 2 janvier 2006.
par chj
- Richard Dürr, LS
A la fin des années soixante, alors que nous approchions à grand pas de nos 10 ans, les loisirs ne se limitaient souvent qu’aux matches de foot ou de hockey, hockey ou foot. A cette époque, ces parties acharnées se disputaient entre quartiers dans une atmosphère de derby (les catégories juniors officielles de l’ACGF ne débutaient alors qu’à l’âge de 11 ans avec les juniors C).
La World Cup de 66 avait souvent été le prétexte dans les foyers populaires à s’offrir la télévision en noir et blanc. Pays de neige oblige, nous découvrions alors aussi les héros du Cirque Blanc comme Jean-Daniel Daetwiller et Fernande Bochatay dont les photos côtoyaient sur les murs de nos chambres celle traditionnelle du Servette de l’Illustré.
Et le dimanche, nous, les gamins des Ouches, des Sports et de Camille-Martin, allions au match voir le grand Servette ! ... Encore fallait-il y entrer .... au stade.
Nous devions être obligatoirement accompagné d’un adulte pour pénétrer dans l’enceinte magique. La plupart de nos pères avaient alors d’autres centres d’intérêt ou plus simplement des moyens financiers trop limités. Nous choisissions alors le premier quidam venu pour pénétrer dans l’enceinte magique (imaginer cela de nos jours : Msieur, ch’peux entrer avec vous ? "). Par la suite, un sécuritas bourru mais complaisant habitant le quartier nous laissait entrer discrètement, faisant fi des instructions de sa hiérarchie...
Lorsque les rencontres avaient lieu le samedis soir, un ordre de retour aux foyers à la mi-temps avait été prononcé par l’Etat major maternel. Sous la couette, nous devinions par les cris de joie ou de torpeur les nombreux buts marqués en seconde période. Le lendemain, la Radio Romande nous apprenait que le score n’avait pas ou peu changé.
Les plus chanceux avaient l’écharpe grenat, tricotée par la grand-mère, avec des lettres irrégulières laissant deviner le nom de "Servette". A l’époque, les seules abréviations en usage qui devaient être en usage étaient celles des CFF et des PTT.
Les gamins montaient sur le mur qui longeait le terrain, côté voie de chemin de fer. Restriction oblige,les jambes devaient impérativement être placées du côté "spectateurs" ; un jour, un tir malheureux d’un attaquant du Young Boys m’envoya à terre ; d’abord malheureux de m’être sali plus que blessé, je jubilais quelques minutes plus tard en étant transporté à l’infirmerie du Stade officielle comme les grands.
Les 2eme mi-temps se déroulaient la plupart du temps sur le terrain d’entraînement, derrière la tribune A ; à vingt-cinq contre vingt-cinq, les rencontres ressemblait certainement aux parties de calcio jouées sur la Piazza della Novere à Florence au seizième siècle. La victoire sur le terrain "rouge" avait alors beaucoup plus d’importance que celles des grands d’à côté.
- Jackie Barlie ; 1966-1967
- Coupe des Coupes, l’année précédente contre Slavia Sofia
A la fin du "vrai" match, la foule se pressait derrière la tribune A pour voir sortir les héros du moment, adversaires et Servettiens réunis dans un climat de bonhomie rassurante.
Le derby, le seul, le vrai, se déroulait contre le voisin du Lac de Genève, le Lausanne Sport de Richard Durr et du jeunet Gabet Chapuisat. La sortie annuelle à la Pontaise constituait le point d’orgue de la saison. Plus souvent qu’à notre tour, nous en revenions bredouille. En ce temps là, Sion n’était qu’une modeste équipe que nous avions découvert tout penaud deux ans auparavant ... un lundi de Pâques à Berne pour notre première défaite contre les valaisans en finale de la Coupe de Suisse.
Ce Servette naviguait dans le ventre mou du classement ; il était l’héritier des Fatton et autres étoiles qui avaient enflammés les coeurs de nos aînés un soir de printemps contre Dukla Prague (1961). Nos premières belles années de supporter grenats allaient venir quelques années plus tard avec la victoire en finale de la Coupe contre le Lugano de Mario Prosperi. En automne, pour le compte de la Coupe des vainqueurs de Coupe, Servette battait, dans une rencontre mythique, les Reds de Liverpool qui n’avaient pas encore conquis l’Europe (1971). En ce temps là, les hooligans gargouillaient encore paisiblement dans leurs landaus alors que nous entrions, nous les gamins des Ouches, du chemin des Sport et de Camille-Martin dans l’adolescence.